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Recevez, monsieur, les assurances de mon profond respect.

Mon adresse est à Motiers-Travers, comté de Neuchâtel, par Pontarlier; et les lettres qui ne sont pas contre-signées doivent être affranchies jusqu'à Pontarlier.

LETTRE CCCLIV.

A M. MOUCHON,

MINISTRE DU SAINT ÉVANGILE, À GENÈVE.

A Motiers, le 29 octobre 1762.

Bien obligé, très cher cousin, de votre bonne visite, de votre bon envoi, de votre bonne lettre, et sur-tout de votre bonne amitié, qui donne du prix à tout le reste. Je vous assure que si vous avez emporté d'ici quelque souvenir agréable, vous y avez laissé bien des consolations. Vous me faites bénir les malheurs qui m'ont attiré de tels amis. Et quel cas ne dois-je pas faire d'un attachement formé par l'épreuve qui en brise tant d'autres? Vous me devez maintenant tous les sentiments que vous m'avez inspirés, et vous ne pourrez, sans ingratitude, oublier de votre vie que les deux

larmes que vous avez versées à notre premier abord sont tombées dans mon cœur.

C'est un petit mal que la qualité de citoyen ne soit pas énoncée dans le baptistaire; j'ai tou-jours été plus jaloux des devoirs que des droits de ce titre honorable. Je me suis toujours fait un devoir de peu exiger des hommes: en échange du bien que jai tâché de leur faire, je ne leur ai demandé que de ne me point faire de mal. Vous voyez comment je l'ai obtenu. Mais n'importe, ils auront beau faire, je serai libre par-tout, malgré

eux.

Si je vous ai tenu quelques mauvais propos, au sujet de l'atlas, ce dont je ne me souviens point, j'ai eu tort, et je vous prie de l'oublier. Il est bon qu'une amitié aussi généreuse que la vôtre commence par avoir quelque chose à pardonner. Je n'approuve pas, de mon côté, que vous en ayez payé le port. Je vous prie d'en ajouter le déboursé à celui du baptistaire et au prix de l'atlas, qu'un ami sera chargé de vous rembourser.

Mille choses, je vous supplie, à l'honnête anonyme', dont je vous ai montré la lettre; vous savez combien elle m'a touché ; vous n'avez là-dessus à lui dire que ce que vous avez vu vous-même.

** Cet anonyme étoit M. Philippe Robin, citoyen distingué par son mérite et ses talents (Note de M. Mouchon.)

Adieu, cher cousin, je vous embrasse et vous aime

de tout mon cœur.

1

Je dois une lettre au bon et aimable Beauchâteau, mais je ne sais comment lui écrire, n'ayant pas son adresse2.

LETTRE CCCLV.

A MADAME LA COMTESSE DE BOUFFLERS.

Le 30 octobre 1762.

En m'annonçant, madame, dans votre lettre du 22 septembre (c'est, je crois, le 22 octobre), un changement avantageux dans mon sort, vous m'avez d'abord fait croire que les hommes qui me persécutent s'étoient lassés de leurs méchancetés, que le parlement de Paris avoit levé son inique décret, que le magistrat de Genève avoit reconnu son tort, et que le public me rendoit enfin justice.

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Cette lettre, que Rousseau écrivit le 25 avril 1763, se trouve dans sa Correspondance.

** Cette lettre de J. J. Rousseau fut écrite à la suite d'un voyage que firent, en octobre 1762, à Motiers-Travers, trois jeunes Génevois, pour y visiter leur célèbre compatriote, après s'être assurés de sa disposition à les recevoir. Ces Génevois étoient MM. les ministres Mouchon et Roustan, et M. Beauchâteau, horloger. (Note de M. Musset Pathay.)

Mais loin de là, je vois, par votre lettre même, qu'on m'intente encore de nouvelles accusations: le changement de sort que vous m'annoncez se réduit à des offres de subsistances dont je n'ai pas besoin quant à présent; et comme j'ai toujours compté pour rien, même en santé, un avenir aussi incertain que la vie humaine, c'est pour moi, je vous jure, la chose la plus indifférente que d'a

voir à dîner dans trois ans d'ici.

Il s'en faut beaucoup, cependant, que je sois insensible aux bontés du roi de Prusse; au contraire, elles augmentent un sentiment très doux, savoir l'attachement que j'ai conçu pour ce grand prince. Quant à l'usage que j'en dois faire, rien ne presse pour me résoudre, et j'ai du temps pour y penser.

A l'égard des offres de M. Stanlay, comme elles sont toutes pour votre compte, madame, c'est à vous de lui en avoir obligation. Je n'ai point ouï parler de la lettre qu'il vous a dit m'avoir écrite.

Je viens maintenant au dernier article de votre lettre, auquel j'ai peine à comprendre quelque chose, et qui me surprend à tel point, sur-tout après les entretiens que nous avons eus sur cette matière, que j'ai regardé plus d'une fois à l'écriture pour voir si elle étoit bien de votre main. Je ne sais ce que vous pouvez désapprouver dans la lettre que j'ai écrite à mon pasteur dans une occa

sion nécessaire. A vous entendre avec votre ange, on diroit qu'il s'agissoit d'embrasser une religion nouvelle, tandis qu'il ne s'agissoit que de rester comme auparavant dans la communion de mes pères et de mon pays, dont on cherchoit à m'exclure: il ne falloit point pour cela d'autre ange que le vicaire savoyard. S'il consacroit en simplicité de conscience dans un culte plein de mystères inconcevables, je ne vois pas pourquoi J. J. Rousseau ne communieroit pas de même dans un culte où rien ne choque la raison ; et je vois encore moins pourquoi, après avoir jusqu'ici professé ma religion chez les catholiques sans que personne m'en fìt un crime, on s'avise tout d'un coup de m'en faire un fort étrange de ce que je ne la quitte pas en pays protestant.

Mais pourquoi cet appareil d'écrire une lettre? Ah! pourquoi? Le voici. M. de Voltaire me voyant opprimé par le parlement de Paris, avec la générosité naturelle à lui et à son parti, saisit ce moment de me faire opprimer de même à Genève, et d'opposer une barrière insurmontable à mon retour dans ma patrie. Un des plus sûrs moyens qu'il employa pour cela fut de me faire regarder comme déserteur de ma religion : car là-dessus nos lois sont formelles, et tout citoyen ou bourgeois qui ne professe pas la religion qu'elles autorisent perd par-là même son droit de cité. Il travailla

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