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Chymifte qui meurt de faim, eft fouverainement heureux avec fes efpérances dorées, & le Poëte l'eft avec fa mufe.

Quelle merveilleufe confolation accompagne chaque état! L'orgueil eft donné à tous, comme un ami commun. Des paffions fortables aident à chaque âge: l'efpérance voyage avec nous & ne nous quitte point, lors même que nous mourons.

Jufqu'à ce terme fatal, l'opinion avec fes rayons changeans, dore les nuages qui embelliffent nos jours. Le manque de bonheur eft fuppléé par l'efpérance; le manque de fens, par l'orgueil; & ce que la connoiffance peut renverfer, ces paffions le relevent. La joie femblable à une bulle d'eau, rit dans la coupe de la folie. Qu'une efpérance foit perdue, nous en recouvrons une autre, & la vanité ne nous est pas donnée en vain. L'amour propre devient méme par la puiffance divine, une balance pour péfer par nos befoins ceux des autres. Avouons donc cette vérité, d'où nous devons néanmoins tirer un motif de confolation; c'eft que; QUOI QUE L'HOMME SOIT FOLIE, DIEU EST TOUTE

SAGESSE.

FIN de la feconde Epitre.

EPITRE III.

- De la nature & de l'état de l'Homme: par rapport à la fociété.

A

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Pprends, Homme borné, apprends que,, la CAUSE UNIVERSELLE n'agit que pour UNE FIN, mais qu'elle agit par différentes loix. " Dans toute la folie que peut infpirer la fanté la plus vigoureufe, dans la pompe de l'orgueil & dans l'impudence des richeffes, que cette grande vérité te foit préfente jour & nuit: qu'elle le foit fur tout au Prêtre qui prêche, au fidéle qui prie.

Confidére le monde où tu es placé; examine cette chaîne d'amour qui raffemble & réunit tout içi - bas comme en haut. Vois la nature féconde travailler à cet objet, un atome tendre vers un autre atome, & celui qui eft attiré, en attirer un autre figuré & dirigé pour embraffer fon voi.fin. Vois la matiére, variée fous mille formes différentes, fe preffer vers un centre commun, le bien général: un végétatif mourant eft le foutien de la vie d'un autre, & quelquefois fe diffout pour vivre une vie nouvelle: une forme qui ceffe d'être eft fuccédée par une autre forme, paffant alternativement de la vie à la mort, de la mort à la vie; semblable à une bulle formée fur la mer de la nature, elle s'élève, elle créve, elle retourne à la mer. Il n'y a rien d'étranger; toutes les parties font relatives au tout. L'efprit univerfel qui s'étend par tout, qui conferve tout, unit tous les êtres, le plus grand au plus petit. La bête eft utile à l'homme & l'homme eft utile à la bête. Tout eft fervi & tout fert. Rien

Tout l'uni vers eft une

fiftême de

fociété.

Rien n'eft

fait ni entié rement pour lui-même,

ni entiére

les autres.

n'éxifte à part la chaîne fe perpétue: où finit elle?

Homme infenfé, Dieu aura-t-il travaillé feule ment pour ton bien, ton plaifir, ton amusement, ton ornement & ta nourriture? Celui qui nourrit pour ta table le fan folâtre, a pour lui émaillé ment pour les prairies. Eft-ce à caufe de toi que l'allouette s'élève dans les airs, & qu'elle gazouille ? La joie excite fes chanfons, elle agite fes alles. Eft ce caufe de toi que la linotte fait retentir ses accens? ce font fes amours & fes propres tref faillemens qui enflent fon gofier. Un fier cour. fier pompeufement manégé, partage avec fon ca valier le plaifir & la gloire. La femence qui couvre la terre eft-elle à toi feul ? Les oiseaux reclameront leur grain. Eft-ce à toi feul qu'appartient toute la moiffon dorée d'une année fertile? Une partie paye, & juftement, le labour du boeuf qui la mérite. Le porc qui ne laboure point, & qui n'obéit point à la voix de l'homme, fubfifte par les foins de ce prétendu maître & Seigneur de tout.

Bonheur

animaux.

Sache donc que tous les enfans de la nature partagent les foins. La fourrure qui échauffe le Monarque a auparavant échauffé l'ours. Lorfque l'homme crie; voyez, tout eft pour mon fervice, Voyez l'homme qui eft pour le mien, replique l'oifon qu'on engraiffe. Quel foin pour le garder, le loger, le nourrit & le bien traiter. C'est tout cé que l'oifon connoit: il ne fait pas que c'eft pour être mangé. Auffi loin qu'oifon peut porter fes connoiffances, l'oifon raifonne bien; il fe trompe fur les deffeins de l'homme, qui font audeffus de fa portée: il en eft de même de l'homme, plus oifon que l'oifon, lorfqu'il prétend que tout foit fait pour un, & non pas un pour le tout.

Suppofé même que le plus fort régne fur le mutuel des plus foible, & que l'homme foit l'efprit & le tyran de l'univers; la nature matte ce tyran. Lui feul connoit & fent les befoins & les maux des autres créatures. Le milan fondant fur un pigeon, frappé de la variété de fon plumage, l'épargnera-t-il? Le faucon écoute-t-il le chant du roffignol? Le geai

'admire-t-il les aîles dorées des infectes? L'hommefeul s'intéreffe pour tous: il fait jouir les oifeaux, des bois; les bêtes, des pâturages; & les poiffons, des riviéres. Il prend foin des uns par intérêt, fon plaifir l'excite à en foigner un plus grand nombre d'autres, & un plus grand nombre encore eft foigné par fa vanité. Tous fub

fiftent par les foins d'un maître vain, & jouïffent de l'étendue de bonheur qui naît de fon luxe. C'est lui qui préferve contre la famine & contre les bêtes fauvages la vie de ce qu'une faim favante convoitife; il régale les animaux qu'il deftine à fon régal: tant qu'ils éxiftent, il les rend heureux; ces animaux prévoyans auffi peu le coup fatal, y étant auffi peu fenfibles, qu'un homme favorifé du Ciel * prévoit ou reffent le coup de la foudre. Ils ont jouï de la vie avant que de mourir; ne devons-nous pas auffi mourir après avoir joui de la vie?

Le Ciel favorable à tout être qui ne penfe point, ne lui donne pas la connoiffance inutile de fa fin: il la donne à l'homme; mais dans un tel point de vue, que dans le tems même que l'homme la craint, Dieu la lui fait fouhaiter. L'heure étant cachée, la crainte eft éloignée, & la mort qui s'approche ne paroît jamais voifine. O miracle toujours fubfiftant, que les cieux n'aient donné ce tour d'efprit, qu'au feul être qui penfe!

les mêmes

Sache, que foit doué de raifon ou d'instinct, La raison chaque être jouït des facultés qui lui conviennent & l'instinct le mieux; que par leur principe, tous également produisent tendent au bonheur & trouvent des moyens pro- effets par portionnés à leur fin. Les bêtes guidées par rapport au l'instinct, qui ne s'égare jamais, ont-elles befoin bien de chad'un autre guide infaillible? la raifon, quelles que individu. qu'en foient les facultés, n'a tout au plus que

* Plufieurs Anciens, & quelques Orientaux de nos jours, regardent ceux qui font frappés de la foudre comme des perfonnes facrées & particuliérement favorisées du Ciel.

tous les

êtres.

de l'indifférence: elle ne fe foucie pas de fervir, ou elle ne fert que lorfqu'elle y eft pouffée. Elle attend qu'on l'appelle, & fouvent même ne vient pas. L'instinct toujours prêt à fervir, vient de lui-même il n'abandonne jamais; la raison manque souvent. L'un ne peut aller que droit; & l'autre peut aller de travers. Dans la nature des bêtes, le principe d'impulfion & de comparaifon double dans la nôtre, n'eft qu'un. Et fi on le peut, qu'on éleve la raison au-deffus de l'inftinct dans celui-ci c'eft Dieu qui gouverne; dans l'autre c'eft l'homme.

Qui a appris aux habitans des champs & des bois à éviter les poifons, & à choisir leur ali ment. Prévoyantes, les bêtes, favent pour réfifter aux tempêtes ou aux marées, bâtir fur la vague ou former des voûtes fous le fable. Qui apprit à l'araignée à deffiner des paralléles avec autant de jufteffe que De Moivre * fans régle & fans lignes? qui enfeigne aux cicognes, femblables au fameux Colomb, à parcourir des creux étrangers & des mondes inconnus ? Qui convoque leur affemblée ? qui fixe le jour du départ? qui forme leurs phalanges? & qui leur marque le chemin ?

La raifon Dieu met dans la nature de chaque être, la & Pinftinct femence de fon bonheur; & il lui prefcrit des forment des limites propres ; mais comme il a créé un uniliaifons de fociété dans vers, il a, pour rendre cet univers heureux, fondé fur de mutuels befoins, le mutuel bonheur: c'eft ainfi que l'ordre éternel régne depuis le commencement, & que la créature eft liée à la créature, l'homme à l'homme. Tout ce que le Ciel vivifiant anime, tout ce qui refpire dans les airs, tout ce qui croît dans la profondeur des mers ou qui habite fur la terre, la nature le nourrit d'une flamme vitale; en fait éclore les feEtabliffe- mences productrices. L'homme non feulement; ment de la mais tout ce qui erre dans les bois, tout ce qui vole dans l'air ou nage dans l'eau, s'aime foi Algébrifte, fort

fociété par l'instinct.

* Fameux Mathématicien eftimé par le grand Newton.

même,

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