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CORRESPONDANCE.

284.A M. COINDET.

Montmorency, ce vendredi. (Décembre 1761.)

Quelque aimable que puisse être M. l'abbé de Grave, comme je ne le connois point, et qu'en France tout le monde est aimable, il me semble que rien n'est moins pressé que d'abuser de sa complaisance pour l'amener à Montmorency, sans savoir si vous ne lui ferez point passer une mauvaise journée et à moi aussi. Vous êtes toujours là-dessus si peu difficile, qu'il faut bien que je le sois pour tous deux.

A l'égard de l'édition projetée, si tant est qu'elle doive se faire, il ne convient pas qu'elle se fasse si vite, au moins si j'y dois consentir. M. de Malesherbes a exigé des réponses à ses observations, il faut me laisser le temps de les faire et de les lui envoyer. Il faut laisser à Robin le temps de débiter les éditions précédentes, afin qu'il ne tire pas de là un prétexte pour ne pas payer Rey. Enfin il faut me laisser, à moi, le temps de voir pourquoi je dois mutiler mon livre, pour une édition dont je ne me soucie point de devenir peut-être un jour responsable, au gouvernement de France, de ce qui peut y déplaire à quelque ministre de mauvaise humeur. Puisque la permission du magistrat ne met à couvert de rien, qu'aurois-je à

répondre à ceux qui viendront me dire: Pourquoi imprimez-vous chez nous des maximes hérétiques et républicaines? Je dirai que ce sont les miennes et celles de mon pays. Hé! bien, me dira-t-on, que ne les imprimez-vous hors de chez nous? Qu'aurai-je à dire? Vous me direz que je n'ai qu'à les ôter. Autant vaudroit me dire de n'être plus moi. Je ne puis, ni ne veux les ôter qu'en ôtant tout le livre. Je voudrois bien savoir ce qu'on peut répondre à cela. Tant y a que, si je veux bien m'exposer, je veux m'exposer avec toute ma vigueur première, et non pas déjà tout châtré, déjà tout tremblant, et comme un homme qui a déjà peur: Adieu, mon cher Coindet; je vous embrasse.

285. A MADAME LATOUR.

A Montmorency, le 11 janvier 1762.

Saint-Preux avoit trente ans, se portoit bien, et n'étoit occupé que de ses plaisirs: rien ne ressemble moins à Saint-Preux que J. J. Rousseau. Sur une lettre pareille à la dernière, Julie se fût moins offensée de mon silence qu'alarmée de mon état; elle ne se fût point, en pareil cas, amusée à compter des lettres et à souligner des mots : rien ne ressemble moins à Julie que madame de...... Vous avez beaucoup d'esprit, madame, vous êtes bien aise de le montrer, et tout ce que vous voulez de moi ce sont des lettres : vous êtes plus de votre quartier que je ne pensois.

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Je vous ai écrit, madame, espérant à peine de revoir le soleil; je vous ai écrit dans un état où, aviez souffert la centième partie de mes maux, vous n'auriez sûrement guère songé à m'écrire; je vous ai écrit dans des moments où une seule ligne est sans prix. Là-dessus, tout ce que vous avez fait de votre côté a été de compter les lettres, et, voyant que j'étois en reste avec vous de ce côté, de m'envoyer pour consolation des plaintes, des reproches, et même des invectives. Après cela, vous apprenez dans le public que j'ai été très mal, et que je le suis encore; cela fait nouvelle pour vous. Vous n'en avez rien vu dans mes lettres ; c'est, madame, que votre cœur n'a pas autant d'esprit que votre esprit. Vous voulez alors être instruite de mon état; vous demandez que ma gouvernante vous écrive; mais ma gouvernante n'a pas d'autre secrétaire que moi, et quand dans ma situation l'on est obligé de faire ses bulletins soi-même, en vérité l'on est bien dispensé d'être exact. D'ailleurs je vous avoue qu'un commerce de querelles n'a pas pour moi d'assez grands charmes pour me fatiguer à l'entretenir. Vous pouvez vous dispenser de mettre à prix la restitution de votre estime; car je vous jure, madame, que c'est une restitution dont je ne me soucie point.

287.A M. DE MALESHERBES.

Montmorency, le 8 février 1762.

Sitôt que j'appris, monsieur, que mon ouvrage seroit imprimé en France, je prévis ce qui m'arrive, et j'en suis moins fâché que si j'en étois surpris. Mais n'y auroit-il pas moyen de remédier pour l'avenir aux inconvénients que je prévois encore, si, publiant d'abord les deux premiers volumes, Duchesne et Néaulme son correspondant, restent propriétaires des deux autres? Il résultera certainement de toutes ces cascades des difficultés et des embarras qui pourroient tellement prolonger la publication de mon livre qu'il seroit à la fin supprimé ou mutilé, ou que je serois forcé de recourir tôt ou tard à quelque expédient dont ces libraires croiroient avoir à se plaindre. Le reméde à tout cela me paroît simple; la moitié du livre est faite ou à peu près, la moitié de la somme est payée; que le marché soit résilié pour le reste, et que Duchesne me rende mon manuscrit : ce sera mon affaire ensuite d'en disposer comme je l'entendrai. Bien entendu que cet arrangement n'aura lieu qu'avec l'agrément de madame la maréchale, qui sûrement ne le refusera pas lorsqu'elle saura mes raisons. Si vous vouliez bien, monsieur, négocier cette affaire, vous soulageriez mon cœur d'un grand poids qui m'oppressera sans relâche jusqu'à ce qu'elle soit entièrement terminée.

Quant aux changements à faire dans les deux premiers volumes avant leur publication, je voudrois

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