Juges infenfés que nous fommes, Nous admirons de tels exploits. Eft-ce donc le malheur des hommes Qui fait la vertu des grands Rois! Leur gloire féconde en ruines Sans le meurtre et fans les rapines Ne fauroit-elle fubfifter? Images des Dieux fur la Terre, Eft-ce par des coups de tonnerre Que leur grandeur doit réclater.
Mais je veux que dans les allarmes Refide le folide honneur.
Quel vainqueur ne doit qu'à les armes Ses triomphes et fon bonheur ! Tel qu'on nous vante dans l'Hiftoire, Doit peut-être toute fa gloire A la honte de fon rival. L'inexpérience indocile
Du Compagnon de Paul Emile Fit tout le fuccès d'Annibal.
Quel eft donc le Héros folide Dont la gloire ne foit qu'à lui? C'est un Roi que l'équité guide, Et dont les vertus font l'appui. Qui prenant Titus pour modéle, Du bonheur d'un peuple fidéle Fait le plus cher de fes fouhaits: Qui fuit la bafle flatterie; Et qui, pere de la patrie, Conte fes jours par fes bienfaits.
Vous, chez qui la guerriére audace Tient lieu de toutes les vertus, Concevez Socrate à la place Du fier meurtrier de Clitus: Vous verrez un roi refpectable, Humain, généreux, équitable;
Un Roi digne de vos Autels. Mais à la place de Socrate,
Le fameux Vainqueur de l'Euphrate Sera le dernier des mortels.
Héros cruels et fanguinaires, Ceffez de vous enorgueillir De ces lauriers imaginaires, Que Bellone vous fait cueillir. Envain le deftructeur rapide De Marc Antoine et de Lépide Rempliffoit l'Univers d'horreurs: Il n'eût point eu le nom d'Augufte Sans cet Empire heureux et juste Qui fit oublier fes fureurs.
Montrez-nous Guerriers magnanimes, Votre vertu dans tout fon jour. Voyons comment vos coeurs fublimes Du fort foûtiendront le retour. Tant que fa faveur vous feconde, Vous êtes les Maitres du Monde, Votre gloire nous éblouit. Mais au moindre revers funefte, Le masque tombe: l'Homme refte, Et le Héros l'évanouit.
L'effort d'une vertu commune Suffit pour faire un Conquérant, Celui qui dompte la fortune Mérite feul le nom de Grand. Il perd fa volage affiftance, Sans rien perdre de la conftance Dont il vit fes honneurs accrus; Et fa grande ame ne f'altére, Ni des triomphes de Tibére, Ni des disgraces de Varus.
La joie imprudente et légére Chez lui ne trouve point d'accès;
Et fa crainte active modere L'yvreffe des heureux fuccès. Si la fortune le traverse, Sa conftante vertu l'exerce Dans ces obftacles paffagers; Le bonheur peut avoir fon terme, Mais la fageffe eft toûjours ferme, Et les deftins toûjours légers.
En vain une fiere Déeffe D'Enée a réfolu la mort: Ton fecours, puiffante Sageffe Triomphe des Dieux et du Sort. Par toi Rome après fon naufrage, Jusques dans les murs de Carthage Vengea le fang de fes Guerriers; Et fuivant tes divines traces, Vit au plus fort de fes disgraces Changer les cyprès en lauriers.
Antoine Thomas, Mitglied der französischen Akades mie, und ehedem Professor des Kollegii zu Beauvais, mach ́te sich zuerst durch einen Kommentar über des jùngern Ras cine Lehrgedicht, die Religion, noch mehr aber durch seine historischen Lobschriften und vermischten Gedichte bekannt. Beide empfehlen sich durch eine vorzüglich lebhafte und hinreiffende Beredsamkeit, die aber zuweilen in allzu wortreis che Deklamation und üppigen Bilderprunk ausartet. Die erste Stelle unter seinen Gedichten gebührt wohl unstreitig feinem Epitre au Peuple, und der hier folgenden Ode an die Zeit.
Qui me dévoilera l'instant qui t'a vû naitre, O Tems! quel oeil remonte aux fources de ton être? Sans doute, ton berceau touche à l'éternité. Quand rien n'étoit encor, enfeveli dans l'ombre De cet abîme fombre,
Ton germe y repofoit, mais fans activité.
Du chaos tout à-coup les portes f'ébranlerent; De foleils allumés les feux étincellerent; Tu naquis; l'Eternel te prefcrivit ta loi. Il dit au Mouvement: Du Tems fois la mefure. Il dit à la Nature:
Le Tems fera pour vous; l'Eternité pour moi.
Dieu, telle eft ton effence; oui, l'ocean des âges Roule au-deffous de toi fur tes frêles ouvrages, Mais il n'approche pas de ton trône immortel. Des millions de jours qui l'un l'autre f'effacent, Des fiècles qui f'entaffent,
Sont comme le néant aux yeux de l'Eternel.
Mais moi fur cet amas de fange et de pouffiere, En vain contre le tems je cherche une barriere; Son vol impétueux me prefle et me poursuit: Je n'occupe qu'un point de la vafte étendue; Et mon ame éperdue
Sous mes pas chancelans, voit ce point qui f'enfuit.
De la Deftruction tout m'offre des images; Mon oeil épouvanté ne voit que des ravages; Ici, de vieux tombeaux que la mouffe a couverts; Là, des murs abatus, des colomnes brisées, Des villes embrafées,
Par-tout les pas du Tems empreints fur l'Univers.
Cieux, terres, élémens, tout eft fous fa puif fance,
Mais tandis que fa main, dans la nuit du filence, Du fragile Univers fappe les fondemens, Sur des aîles de feu, loin du monde élancée, Mon active pensée
Plane fur les débris entaffés par le Tems.
Siécles qui n'êtes plus, et vous qui devez naître, J'ofe vous appeller; hâtez vous de paroître! Au moment où je fuis, venez vous réunir! Je parcours tous les points de l'immenfe durée D'une marche affurée;
J'enchaine le préfent, je lis dans l'avenir.
Le Soleil épuisé dans fa brûlante course, De fes feux par degrés verra tarir la fource, Et de mondes vieillis les refforts f'uferont. Ainfi que les rochers qui, du haut des montagnes, Roulent dans les campagnes,
Les aftres l'un fur l'autre un jour f'ecrouleront.
Là, de l'Eternité commencera l'empire, Et dans cet océan, où tout va fe détruire,
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