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Auroit-il dû jamais allarmer l'innocence, L'art fublime des Vers fi pur en fa naiffance; Art divin, qui reçut de tes nobles tranfports, Sainte religion, fa pompe, et fes accords?

L. Racine.,

Oui, c'eft toi, qui de l'homme élevant le genie,
Autrefois enfantas l'admirable harmonie:
Pour honorer le Ciel, et publier fes dons,
La Lyre, fous ta loi forma fes premiers fons.

Quand les juifs d'un barbare évitoient la pour-
fuite

La mer les vit paroître, et la mer prit la fuite.
Pour fauver Ifraël par des chemins nouveaux,
Le fouffle du Seigneur ouvre les feins des eaux,
L'onde refte immobile, et foudain ranimée,
De la fuperbe Egypte enfevelit l'armée.
Après ce grand fpectacle, et ce prodige heureux,
Une divine ardeur f'empare des Hebreux:
Moïle, plein du feu dont fon âme eft faifie,
Entonne un faint Cantique, augufte Poëfie,
Qui célébre le Dieu dont le bras étendu,
Des flots fur le feul Juif tint l'amas fufpendu:
Tout le peuple y répond, et la reconnoiffance,
Des poëtiques chants confacra la naissance.

Des céleftes bienfaits le tendre fentiment
Imprine à tous les coeurs ce même mouvement:
Et l'ardeur d'exprimer noblement fon hommage,
Des Vers, au Payen même infpira le langage.
Lorsqu'après fon travail le laboureur joyeur,
Dans les jours folemnels rendant graces aux Dieux,
A l'afpect des moiffons fous fes toits amaflées
Perdoit le fouvenir de fes peines passées:

Docile aux loix d'un art qu'il ne connoiffoit
pas,

Sur des tons mefurés il conduifit fes pas;
Son oreille attentive à de juftes cadences,

Le régla dans fes chants, le guida dans fes danfes.

L. Racine., Ainfi la Poëfie en toute Nation
Doit fa naiffance illuftre à la Religion.

Mais aux traits de la mere où l'innocence
brille,

Qui pourroit aujourd'hui reconnoitre la fille?
Helas! presque en naiffant, loin des yeux mater-
nels,

Elle alla fe jetter en des bras criminels:
Non, loin de fon berceau déja defigurée,
Yvre des faux plaifirs, au men onge livrée,
Et de nos paffions trop funefte inftrument,
Elle ofa nous prêcher le vice effrontément:
Elle mit en tous lieux fa gloire à nous féduire,
Et corrompit des coeurs, qu'elle devoit inftruire.
Homere le premier, fertile en fictions,
Transporta dans le Ciel toutes nos paffions.
C'est lui qui nous fit voir ces maitres du tónnere,
Ces Dieux dont un clin d'oeil peut ébranler la Terre,
Injuftes, vains, craintifs, l'un de l'autre jaloux,
Au fommet de l'Olympe auffi foibles que nous;
Et c'est lui-même encor dont la main dangereuse,
A tiffu de Venus la ceinture amoureuse.
Les feux qui de Sapho confumerent le coeur,
Dans fes écrits encore exhalent leur chaleur.
Pour chanter les exploits des héros qu'il admire,
Le foible Anacréon envain monte fa lyre.
Les cordes fous fes doigts ne refonnent qu'amour.

Athénes il est vrai, tu le fais, VALINCOURT,
Par ces lâches difcours qu'infpire la moleffe,
N'a jamais du cothurne avili la nobleffe.
On ne vit point alors des heros languiffans,
Sous le poids de leurs fers fans ceffe gemiffans,
Et l'on n'entendit point fur la tragique fcene
D'un amoureux tourment foupirer Melpomene.
Là, de nos paffions, pour en purger nos coeurs,
Sophocle dépeignit les troubles et les malheurs:
Là, pour donner du vice une horreur falutaire,
Oedipe vint gémir d'un crime involontaire:

Le

Le choeur y confoloit l'innocent abattu,
Effrayoit le coupable, et chantoit la Vertu.

Mais quels chants pouvoit-on attendre de Thalie,
Lorsque d'Ariftophane époufant la folie,
Et par fon impudence affurant fes fuccès,
Elle f'abandonnoit aux plus honteux excès
Et quand Socrate même effuyoit fes outrages?
Dans un panier rifible, au milieu des nuages,
Quel fpectacle de voir enlever ce Héros,
Qu'une Muse effrontée immole à fes bons mots!
Faut-il f'en étonner, lorsque fa raillerie
Jouoit impunément les Dieux de la patrie;
Quand tout un peuple en foule au Théatre accour-
roit

Pour rire de ces Dieux qu'au temple il adoroit?

Rome à peine eût dompté la Gréce par fes ar

mes,

Que la Grèce à fon tour la dompta par fes charmes;
La captive enchaînant fes farouches vainqueurs,
A leurs Mufes apprit à corrompre les coeurs.
La molle volupté refpire dans Tibulle,

- Et la pudeur f'allarme au feul nom de Catulle.
Ovide nous apprend le grand art d'allumer
Des feux, déja fans lui, trop prompts à f'enflâmer.
Horace, en nous offrant des images impures,
Deshonore fouvent fes plus belles peintures.
Envain par Juvenal le vice eft combattu,
Sa trop libre Satire irrite la vertu.

Un Pétrone feroit rougir même à Cithere
A fon Domitien Martial cherche à plaire.

Les Ecrivains de Rome en reffentent les moeurs;
On reconnoit chez eux la Cour des Empereurs,

Dans ces tems malheureux Venus avoit des
temples.

Le crime autorisé par d'auguftes exémples,
Ne paroiffoit plus crime aux yeux de ces mortels,
Qui d'un Mars adultere encenfoient les autels

L. Racine,

Sur

L. Racine., Sur une terre impie, et fous un ciel coupable,
Le chantre des plaifirs pouvoit être excufable.
Cependant aujourd'hui les enfans de la Foi,
D'un plus fage tranfport ont-ils fuivi la loi?
Hélas! dreflant par-tout un piége à l'innocence,
Des Romains et des Grecs ils paffent la licence.
Je pleure avec raifon tant de rares efprits,
Qui pouvant nous charmer par d'utiles écrits,
De ces précieux dons oubliant l'avantage,
Ont fouillé des talens dignes d'un autre ufage.

Des difcours trop groffiers le Théatre epuré
Eft toujours à l'Amour parmi nous confacré.
Là de nos paffions l'image la plus vive
Frappe, enleve les fens, tient une âme captive.
Le jeu des paffions faifit le spectateur;

Il aime, il haït, il craint, et lui-même eft acteur.
D'un Héros foupirant, là chacun prend la place,
Et c'eft dans tous les coeurs que la scene se paffe.
Le poifon de l'amour a bientôt pénétré

D'autant plus dangereux qu'il eft mieux préparé.
Ce feu toujours couvert d'une trompeufe cendre,
S'allume au moindre fouffle, et cherche à fe répandre.
Gardons nous d'irriter ce perfide ennemi,

Dans le coeur le plus froid il ne dort qu'à demi
Et periffe notre art: que nos Lyres fe taifent,
Si les fons de l'Amour font les feuls qui nous plaisent.

Rendons aux Vers plutôt toute leur majefté:
De la Religion chantons la verité.

Rarement, je le fais, par des douceurs pareilles,
Une Mufe pieufe a charmé les oreilles,

Nos Poëtes chretiens, presque tous ennuyeux,
Ont à peine formé des fons harmonieux;
Mais des Poëtes feuls accufons la foibleffe:
Aux profanes travaux livrés dans leur jeuneffe,
Pour reparer enfin leurs Vers pernicieux
Ils ont offert à Dieu, digne offrande à fes yeux!
Les reftes languiffans d'une veine épuisée,
Et les froids mouvemens d'une chaleur ufée.

Celui qui montrant Phêdre en proie à fes fureurs,, 2. Racine.. Pour elle nous força de repandre des pleurs ;

Sçut depuis, il eft vrai, devenu plus grand maitre,
Avec le feul fecours d'un Enfant, et d'un Prêtre,
Sur un ouvrage faint attacher tous les
yeux,
Et fortir de fa courfe encor plus glorieux:
Auffi nous peignit-il ce Joad intrépide,
Cet aimable Joas, cette reine homicide,
Sans attendre que l'age amenant la langueur
Eût de l'auteur de Phédre affoibli la vigueur.
Jeune et plein de courage abandonnant la fcene,
D'où tant de vieux foldats ne f'arrachent qu'à peine,
De fes nobles exploits il fufpendit le cours,.

Et fuyant les honneurs qui le fuivoient toujours,
De bonne heure il chercha cette heureuse lumiere,
Qu'on n'apperçoit fouvent qu'au bout de fa carriere.

L'âge peut quelquefois changer un libertin,
Et même réformer la plume d'Aretin,

L'homme eft long-tems trompé par de fausles images;
Mais la mort, qui f'approche, écarte les nuages,
Captive jusqu'alors, enfin la veriré

Sort du fond de nos coeurs, et parle en liberté:
On écoute fa voix, on change de langage:
De l'efprit et du tems on regrette l'ulage;
Regrets tardifs d'un bien qui n'eft jamais rendu:
L'efprit eft presque eteint, et le tems eft perdu.
Ne perdons point le nôtre. Heureux, dans fa jeuneffe
Qui prévoit les remords de la fage vieilleffe:
Mais plus heureux encor qui fait les prévenir,
Et commence les jours comme il veut les finir.
Ainfi quoiqu'à mes yeux le Théatre ait des charmes,
Je fuis, et ne veux point me préparer des larmes;
Duffai-je difputer aux plus fameux guerriers,
Il me faudroit enfin pleurer fur mes lauriers
Si l'Auteur de mes jours, cher, et parfait modelle,
M'a du feu de fon fang laiffé quelque étincelle,
Je veux, digne de lui, par des travaux Chrétiens,
(Mes fentimens du moins font conformes aux fiens)
Je veux, à toi fidelle, ô Verite divine,

Rapeller l'art des Vers à la fainte origine.
Beisp. Samml. 3. B.

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