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les arts. Quand Hérodote écrivit, on avait applaudi sur le théâtre d'Athènes les Perses d'Eschyle, cet hymne du patriotisme et de la gloire, où la poésie prodigue ses plus riches couleurs. Les âmes des Grecs s'étaient élevées à cette espèce d'idéal poétique qu'ils portaient dans leurs actions comme dans leurs ouvrages. Il y a de grandes choses dans notre moyen âge, mais rien de semblable à cela. Quelques caractères furent héroïques; quelques arts même furent cultivés avec un rare génie : l'architecture surtout fit des choses admirables. Elle rendit, si l'on peut parler ainsi, de grandes idées avant que la parole sût les exprimer. La pensée principale de ces temps, la religion, fut plus éloquente dans les monuments que dans les écrits. La construction de quelques églises gothiques est sublime de hardiesse et de majesté; mais les drames appelés mystères que l'on composait au même temps sont pitoyables. Les arts de l'esprit n'avaient encore aucune grandeur. Le xive siècle produit l'Avocat patelin, farce admirable qu'Estienne Pasquier osait préférer à Plaute; mais vous ne trouverez pas dans la langue de cette époque une scène grave et forte. Cette langue même n'avait rien de fixe et changeait rapidement, parce que nul type frappé au coin du génie ne restait encore dans la mémoire. Hérodote, au contraire, dans la liberté de ses expressions, parle cependant la langue d'Homère, c'est-à-dire de toute une école poétique qui avait marqué le premier âge de la civilisation grecque.

Avant lui et jusqu'à lui, grand nombre d'auteurs avaient écrit l'histoire dans tous les dialectes de la Grèce, Eugéon de Samos, Eudème de Paros, Hécatée

de Milet, Acusilaüs d'Argos, Charon de Lampsaque, Amelesagoras de Chalcédoine.

Parmi les devanciers ou contemporains d'Hérodote, on compte encore Hellanicus de Lesbos, Damase de Sigée, Xenomède de Chio, Xantus de Lydie, et beaucoup d'autres, tous perdus pour nous. Voici l'idée que Denys d'Halicarnasse nous en donne: « Ils étaient conduits, dit-il1, par le même dessein, dans le choix de leurs sujets, et leur talent était à peu près semblable. Les uns écrivirent les histoires des Grecs, les autres, celle des Barbares; mais ils ne lièrent pas ces récits entre eux; ils les divisèrent par nation et par ville, et les publièrent séparément, n'ayant qu'un seul et même but, de recueillir les monuments et les écritures conservées par les habitants de chaque pays et de chaque cité, soit dans les temples, soit dans les lieux profanes, et de les porter à la connaissance publique, comme ils les avaient trouvées, sans y rien ajouter, sans y rien ôter.

« Il s'y mêlait quelques fables auxquelles on avait foi depuis longtemps, et quelques catastrophes de théâtre qui paraîtraient des contes puérils aux hommes de notre siècle. Quant à la diction, elle est presque généralement la même chez tous ceux d'entre eux qui ont adopté le même dialecte : c'est un parler clair, usuel, simple, court, accommodé aux choses, et où l'on ne voit paraître aucun arrangement artificiel. Une certaine fleur de jeunesse brille sur leurs ouvrages, et une grâce plus vive chez les uns, moindre chez les autres, mais sensible chez tous; c'est par elle que leurs écrits subsistent encore. »

1. Dionysii Halicarnassensis Opera, t. VI.

12 HÉRODOTE ET DE LA MANIÈRE DE LE TRADUIRE.

Quelques traits de ce jugement pourraient se rapporter à nos chroniqueurs, l'uniformité de langage, la naïveté, la crédulité; mais, sans compter cette grâce dont parle le critique grec, et dont notre premier âge n'approchait guère, il faut se souvenir que ces chroniqueurs de la Grèce sont fort loin d'Hérodote. Ce fut lui qui, suivant l'expression de Denys d'Halicarnasse, agrandit et illustra l'histoire, ne se bornant pas à raconter les traditions d'une seule ville ou d'un seul peuple, mais embrassant dans un seul récit tous les événements de l'Europe et de l'Asie, et enrichissant son discours de toutes les beautés de style inconnues à ses prédécesseurs.

La diction d'Hérodote, dit ailleurs le même critique, est à la fois gracieuse et belle. Puis il décompose un récit familier du vieil historien, pour montrer que ses paroles, simples par elles-mêmes, ont reçu de l'arrangement et de l'harmonie un charme merveilleux. Rien ne ressemble moins à l'élocution inculte de nos chroniqueurs ; et ce n'est pas le hasard du talent qui produit cette différence; elle tient à l'état mème de la société, à la culture des esprits, et méritait par là d'être remarquée.

DU POËME

DE LUCRÈCE

SUR

LA NATURE DES CHOSES

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