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tomate; il passe sa vie à peser des devoirs et à saluer 1. Quand il va visiter un malade, il s'inquiète de voyager le dimanche; mais il rassure sa conscience en se disant que c'est pour une œuvre de charité 2. Croiriez-vous qu'un pareil homme soit amoureux? Il l'est pourtant, mais à sa manière. Par exemple il écrit à sa fiancée: Et maintenant, ô la plus aimable et la plus chère des femmes, permettez-moi d'attendre de << vous l'honneur d'un mot qui me dira combien de jours de cet ennuyeux mois vous aurez la bonté de << réduire. Mon extrême gratitude vous sera pour toujours engagée par cette condescendance, quel que « soit ce jour, ce jour précieux pour moi jusqu'à << mon dernier soupir, qui me donnera la plus grande « bénédiction de ma vie, et confirmera ce que déjà je « suis à jamais, votre Charles Grandisson. » Une image de cire ne serait pas plus convenable. Tout est du même goût. Il y a huit carrosses au mariage, chacun de quatre chevaux; sir Charles est attentif pour les personnes âgées; à table, les messieurs, une ser

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1. He received the letters, standing up, bowing; and kissed the papers with an air of gallantry that I thought greatly became

him.

2. I am afraid I must borrow of the Sunday some hours on my journey; but visiting the sick is an act of mercy.

3. And now, loveliest and dearest of women, allow me to expect the honour of a line, to let me know how much of the tedious month from last Thursday you will be so good to abate.... My utmost gratitude will ever be engaged by the condescension, whenever you shall distinguish the day of the year, distinguished as it will be to the end of my life that shall give me the greatest blessing of it and confirm me.

For ever yours Charles Grandisson.

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viette sous le bras, servent chacun une dame; la fiancée est toujours prête à s'évanouir; il se jette à ses pieds dans toutes les formes. « Eh bien! mon « amour, par égard pour les meilleurs des parents, « reprenez votre présence d'esprit habituelle; autrement, moi qui vais me glorifier devant mille té<< moins de recevoir l'honneur de votre main, je serai prêt à regretter d'avoir acquiescé de si grand cœur « aux désirs de ces respectables amis qui ont souhaité « une célébration publique'. Les révérences commencent, les compliments bourdonnent, l'essaim des convenances voltige comme une bande de petits chérubins amoureux, et leurs ailes dévotes viennent sanctifier les tendresses bénies de l'heureux couple. Les larmes pleuvent; Harriett s'attendrit sur sa rivale sacrifiée, et sir Charles d'une façon caressante, tendre et respectueuse, mettant son bras autour « d'elle, lui prend son mouchoir, sans qu'elle résiste, << pour essuyer les pleurs qui coulent sur ses joues. « - Douce humanité, dit-il; charmante sensibilité, « ne réprimez point cette effusion touchante! Rosée « du ciel (et il baise le mouchoir), rosée du ciel, << larmes d'un cœur doux comme le ciel et compatis<< sant comme lui!» C'en est trop, on est excédé,

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1. What, my love! In compliment to the best of parents, resume your usual presence of mind. I else, who shall glory before a thousand witnesses in receiving the honour of your hand, shall be ready to regret I acquiesced so cheerfully with the wishes of those parental friends for a public celebration.

2. Sir Charles seemed to have the office by heart, Harriet in her heart. 3. In a soothing, tender and respectful manner, he put his arm

on se dit que ces phrases devraient être accompagnées sur la mandoline. Le plus patient des mortels se sent écœuré quand il a, pendant trois mille pages, avalé ces fadeurs sentimentales et tout ce lait sucré de l'amour. Pour comble, sir Charles, voyant Harriett embrasser sa rivale, trace le plan d'un petit temple dédié à l'amitié qu'on bâtira dans le lieu même ; c'est le triomphe du rococo mythologique. A la fin, les couronnes pleuvent comme à l'Opéra, tous les personnages chantent à l'unisson et en chœur les louanges de sir Charles; on lui récite sa litanie: « Comment pourrait-il être autre chose que le meilleur des maris, lui qui fut le plus soumis des fils, qui est le plus affectionné des frères, le plus fidèle des amis, « et qui est bon par principe dans chacune des rela«tions de la vie1? Il est grand, il est généreux, il est délicat, il est pieux, il est irréprochable; il n'a jamais fait une vilaine action ni un geste faux. Sa conscience et sa perruque sont intactes. Amen. Il faut le canoniser et l'empailler.

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Et vous non plus, mon cher Richardson, quoique grand homme, vous n'avez pas tout l'esprit qu'il faut

round me and taking my own handkerchief, unresisted, wiped away the tears as they fell on my cheek. « Sweet humanity! Charming sensibility! Check not the kindly gush. Dew-drops of heaven! (wiping away my tears, and kissing the handkerchief), dew-drops of Heaven, from a mind like that Heaven mild and gracious!

1. But could he be otherwise than the best of husbands, who was the most dutiful of sons, who is the most affectionate of brothers, the most faithful of friends, who is good upon principle in every relation of life?

pour en avoir assez. A force de vouloir servir la morale, vous lui faites tort. Savez-vous l'effet de ces affiches édifiantes que vous collez au commencement et à la fin de vos livres? On est rebuté, on perd l'émotion, on voit le prédicateur en robe noire sortir en nasillant de l'habit mondain qu'il avait pris pour une heure; on est mécontent de la tromperie. Insinuez la morale, ne l'infligez pas. Souvenez-vous qu'il y a un fonds de rébellion dans le cœur de l'homme, et que si on s'applique trop visiblement à le claquemurer dans une discipline, il s'échappe et va prendre l'air dehors. Vous imprimez à la suite de Paméla le catalogue des vertus dont elle donne l'exemple; le lecteur bâille, oublie son plaisir, cesse de croire, et se demande si la céleste héroïne n'était pas un mannequin ecclésiastique arrangé pour lui débiter une leçon. Vous racontez à la fin de Clarisse la punition de tous les méchants, grands ou petits, sans en épargner un seul; le lecteur rit, dit que les choses se passent autrement dans le monde, et vous invite à insérer ici, comme Arnolphe, la peinture « des chaudières où les << âmes mal vivantes vont bouillir en enfer. >> Nous ne sommes point si sots que vous le pensez. Nous n'avons pas envie qu'on fasse la grosse voix pour nous faire peur; nous n'avons pas besoin qu'on inscrive la leçon à part et en majuscules pour la démêler. Nous aimons l'art, et vous n'en avez guère; nous souhaitons qu'on nous plaise, et vous n'y songez pas. Vous transcrivez toutes les lettres, vous minutez toutes les conversations, vous dites tout, vous n'élaguez rien, vos

romans ont huit volumes; de grâce, prenez des ciseaux; soyez écrivain, et non pas greffier archiviste. Ne versez pas votre bibliothèque de documents sur la voie publique. L'art diffère de la nature en ce qu'elle délaye et qu'il concentre. Vingt épîtres de vingt pages ne montrent pas un caractère, et une vive parole le fait. Vous êtes alourdi par votre conscience qui vous traîne pas à pas et terre à terre; vous avez peur de votre génie; vous le bridez, vous n'osez trouver aux moments violents les grands cris, les franches paroles. Vous tombez dans les phrases emphatiques et bien écrites1; vous ne voulez pas montrer la nature telle qu'elle est, telle que la montre Shakspeare, lorsque, piquée par la passion comme par un fer rouge, elle crie, se cabre et bondit pardessus vos barrières. Vous ne savez pas l'aimer, et votre punition est que vous ne pouvez pas la voir.

IV

C'est pour elle que Fielding réclame, et certes, à voir ses actions et sa personne, on l'eût cru fabriqué exprès pour cela : un grand vigoureux gaillard, haut presque de six pieds, sanguin, avec un excès de bonne humeur et de verve animale, loyal, généreux, affectueux et brave, mais imprudent, dépensier, buveur, viveur, ruiné de père en fils, ayant roulé par la vie

1. Clarisse et Paméla en font beaucoup trop.

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