En un clin-d'œil elle a franchi l'espace. Á sa voix, dans un même lieu, Des êtres animés se rassemble la race, Et l'oiseau répétant les paroles du Dieu : Ingrats, dit-il, d'où vient que l'on murmure? Que chacun de ses maux explique la nature, -Puis-je être heureux de mon partage Lorsque du levrier j'aperçois les jarrets? D'espérer l'atteindre jamais. Le levrier disait :-Quand je chasse ma proie, Pour la pouvoir surprendre, il faut que je la voie ; Ah! que d'un nez subtil il dote notre espèce, Et Jupiter verra si je me plains encor. N Le lion du renard convoitait la finesse, Le renard, avant tout, désirait d'être fort, Le coq voulait voler comme une tourterelle; Celle-ci, méprisant la bonté de son aile, Estimait fort du coq l'ergot et la valeur. Les poissons pour la terre étaient remplis d'ardeur, Et les quadrupedes pour l'onde. ― Séparez-vous, lâches mutins ! Dit l'oiseau royal en colère, Conformez-vous à vos destins, On n'exaucera point votre folle prière. Si vos desirs étaient suivis, Il faudrait, sans égard aux lois de la nature Je le répète donc : taisez-vous. Je vous jure, Les hommes ne feraient pas pis. FABLE V. Le Sanglier et le Bélier. Aux branches d'un champêtre ormeau UX Un boucher à la main sanglante Venait de suspendre un agneau. Des timides brebis la nation tremblante, De loin, d'un œil d'effroi regardait le bourreau. Un Sanglier à la dent menaçante Insulte ainsi le désolé troupeau : -Que vous méritez bien le sort qui vous opprime! Dont il a déchiré le sein. Vos frères, vos enfants, égorgés sans défense, Leurs cris ne sont point entendus. Il n'est que des cœurs sans vertus Qui n'assistent pas l'innocence. -Je sais trop bien, répond un vieux Bélier, Que nous ne brillons pas par un aspect guerrier; Si nous supportons les outrages, Nos cœurs ne les sentent pas moins; Contre des tyrans si sauvages, Eh! que peuvent nos cris, nos inutiles soins! Dans l'objet de sa passion Trouve elle-même son supplice Et sa juste punition. Notre peau de Thémis alimente la guerre, Elle excite aux combats les féroces humains; Nous sommes trop vengés en fournissant la terre De tambours et de parchemins. FABLE VI. L'Avare et Plutus. Un Avare dormait comme dort un avare; Le vent souffle à sa porte, il entend quelque bruit, Il se lève en sursaut; dans la peur qui l'égare 1 Il va, revient, regarde, il tâtonne, il pâlit. Chaque loquet, chaque serrure Sont examinés avec soin: Il fouille jusqu'au moindre coin; Enfin sur son trésor un coup-d'œil le rassure. Mais an plaisir bientôt succède le chagrin. Que cet or lui coûta de soupirs et de crimes! D'une main furieuse il se frappe le sein, Et s'écrie en pleurant au fond de ses abîmes, Sila terre eût gardé ce métal corrupteur, Jamais la douce paix n'aurait quitté mon cœur. Mais les vertus par-tout sont à l'enchère ; Pourquoi de ce poison l'univers infecté Adore-t-il une chimère, Dont je sens trop le vide et la fragilité ? S'il n'est plus d'honneur sur la terre, N'en accusons que ce métal; Il est le père de tout mal, Du brigandage, de la guerre, |