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sont grandes ou petites, et tirent plus ou moins exactement dans le même sens, selon que les effets distincts de la race, du milieu et du moment se combinent pour s'ajouter l'un à l'autre ou pour s'annuler l'un par l'autre. C'est ainsi que s'expliquent les longues impuissances et les éclatantes réussites qui apparaissent irrégulièrement et sans raison apparente dans la vie d'un peuple; elles ont pour causes des concordances ou des contrariétés intérieures. Il y eut une de ces concordances lorsque au dix-septième siècle, le caractère sociable et l'esprit de conversation inné en France rencontrèrent les habitudes de salon et le moment de l'ana

lyse oratoire, lorsqu'au dix-neuvième siècle, le flexible et profond génie d'Allemagne rencontra l'âge des synthèses philosophiques et de la critique cosmopolite. Il y eut une de ces contrariétés, lorsqu'au dix-septième siècle, le rude et solitaire génie anglais essaya maladroitement de s'approprier l'urbanité nouvelle, lorsqu'au seizième siècle le lucide et prosaïque esprit français essaya inutilement d'enfanter une poésie vivante. C'est cette concordance secrète des forces créatrices qui a produit la politesse achevée et la noble littérature régulière sous Louis XIV et Bossuet, la métaphysique grandiose et la large sympathie critique sous Hégel et Goethe. C'est cette contrariété secrète des forces créatrices qui a produit la littérature incomplète, la comédie scandaleuse, le théâtre avorté sous Dryden et Wycherley, les mauvaises importations grecques,

les tâtonnements, les fabrications, les petites
beautés partielles sous Ronsard et la Pléiade. Nous
pouvons affirmer avec certitude que les créations
inconnues vers lesquelles le courant des siècles
nous entraîne, seront suscitées et réglées tout en-
tières par
les trois forces primordiales; que si ces
forces pouvaient être mesurées et chiffrées, on en
déduirait comme d'une formule les propriétés de la
civilisation future, et que, si malgré la grossièreté
visible de nos notations et l'inexactitude foncière de
nos mesures, nous voulons aujourd'hui nous for-
mer quelque idée de nos destinées générales, c'est
sur l'examen de ces forces, qu'il faut fonder nos
prévisions. Car nous parcourons en les énumérant
le cercle complet des puissances agissantes, et lors-
que nous avons considéré la race, le milieu, le mo-
ment, c'est-à-dire le ressort du dedans, la pression
du dehors et l'impulsion déjà acquise, nous avons
épuisé non-seulement toutes les causes réelles,
mais encore toutes les causes possibles du mou-

vement.

VI

Comment Se

Il reste à chercher de quelle façon ces causes ap distribuent les ef pliquées sur une nation ou sur un siècle y distri- fets d'une cause primordiale Combuent leurs effets. Comme une source sortie d'un munauté des élements. Composilieu élevé épanche ses nappes selon les hauteurs et tion des groupes. d'étage en étage jusqu'à ce qu'enfin elle soit arrivée à dances mutuelles. la plus basse assise du sol, ainsi la disposition d'esprit proportionnelles.

LITT. ANGL.

I-C

Loi des dépen

Loi des influences

ou d'âme introduite dans un peuple par la race, le moment ou le milieu se répand avec des proportions différentes et par des descentes régulières sur les divers ordres de faits qui composent sa civilisation'. Si l'on dresse la carte géographique d'un pays, à partir de l'endroit du partage des eaux, on voit au-dessous du point commun les versants se diviser en cinq ou six bassins principaux, puis chacun de ceux-ci en plusieurs bassins secondaires, et ainsi de suite jusqu'à ce que la contrée tout entière avec ses milliers d'accidents soit comprise dans les ramifications de ce réseau. Pareillement, si l'on dresse la carte psychologique des événements et des sentiments d'une civilisation humaine, on trouve d'abord cinq ou six provinces bien tranchées, la religion, l'art, la philosophie, l'état, la famille, les industries; puis, dans chacune de ces provinces, des départements naturels, puis enfin dans chacun de ces départements des territoires plus petits, jusqu'à ce qu'on arrive à ces détails innombrables de la vie que nous observons tous les jours en nous et autour de nous. Si maintenant l'on examine et si l'on compare entre eux ces divers groupes de faits, on trouvera d'abord qu'ils sont composés de parties, et que tous ont des parties communes. Pre

1. Consulter, pour voir cette échelle d'effets coordonnés: Renan, Langues sémitiques, 1er chapitre. Mommsen, Comparaison des civilisations grecque et romaine, 1er chapitre, 1er volume, 3o édition. Tocqueville, Conséquences de la démocratie en Amérique,

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3e volume.

nons d'abord les trois principales œuvres de l'intelligence humaine, la religion, l'art, la philosophie: qu'est-ce qu'une philosophie sinon une conception de la nature et de ses causes primordiales, sous forme d'abstractions et de formules? qu'y a-t-il au fond d'une religion et d'un art sinon une conception de cette même nature et de ces mêmes causes primordiales, sous forme de symboles plus ou moins arrêtés et de personnages plus ou moins précis, avec cette différence que dans le premier cas on croit qu'ils existent, et dans le second qu'ils n'existent pas? Que le lecteur considère quelquesunes de ces grandes créations de l'esprit dans l'Inde, en Scandinavie, en Perse, à Rome, en Grèce, et il verra que partout l'art est une sorte de philosophie devenue sensible, la religion une sorte de poëme tenu pour vrai, la philosophie une sorte d'art et de religion desséchée et réduite aux idées pures. Il y a donc au centre de chacun de ces trois groupes un élément commun, la conception du monde et de son principe, et s'ils diffèrent entre eux, c'est que chacun combine avec l'élément commun, un élément distinct : ici la puissance d'abstraire, là la faculté de personnifier et de croire, là enfin le talent de personnifier sans croire. Prenons maintenant les deux principales œuvres de l'association humaine, la famille et l'État. Qui est-ce qui fait l'État sinon le sentiment d'obéissance par lequel une multitude d'hommes se rassemble sous l'autorité d'un chef? Et qui est-ce qui fait la famille sinon le sentiment

d'obéissance par lequel une femme et des enfants agissent sous la direction d'un père et d'un mari? La famille est un État naturel, primitif et restreint, comme l'État est une famille artificielle, ultérieure et étendue; et sous les différences qu'introduisent le nombre, l'origine et la condition des membres, on démêle dans la petite société comme dans la grande une même disposition d'esprit fondamentale qui les rapproche et les unit. A présent supposez que cet élément commun reçoive du milieu, du moment ou de la race des caractères propres, il est clair que tous les groupes où il entre seront modifiés à proportion. Si le sentiment d'obéissance n'est que de la crainte, vous rencontrerez comme dans la plupart des États orientaux la brutalité du despotisme, la prodigalité des supplices, l'exploitation du sujet, la servilité des mœurs, l'incertitude de la propriété, l'appauvrissement de la production, l'esclavage de la femme et les habitudes du harem. Si le sentiment d'obéissance a pour racine l'instinct de la discipline, la sociabilité et l'honneur, vous trouverez comme en France la parfaite organisation militaire, la belle hiérarchie administrative, le manque d'esprit public avec les saccades du patriotisme, la prompte docilité du sujet avec les impatiences du révolutionnaire, les courbettes du courtisan avec les résistances du galant homme, l'agrément délicat de la conversation et du monde

1. Montesquieu, Esprit des lois, Principes des trois gouvernements.

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