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duit et qu'elle conduit. Spenser est supérieur à son sujet, l'embrasse tout entier, l'accommode à son but, et c'est pour cela qu'il y imprime la marque propre de son âme et de son génie. Chaque récit est ménagé en vue d'un autre, et tous en vue d'un certain effet qui s'accomplit; c'est pour cela que de ce concert une beauté se dégage, celle qui est dans le cœur du poëte, et que toute son œuvre a travaillé à rendre sensible; beauté noble et pourtant riante, composée d'élévation morale et de séductions sensibles, anglaise par le sentiment, italienne par les dehors, chevaleresque par sa matière, moderne par sa perfection, et qui manifeste un moment unique et admirable, l'apparition du paganisme dans une race chrétienne et le culte de la forme dans une imagination du Nord.

LITT. ANGL.

I-24

§ 3.

LA PROSE.

I

Un pareil moment ne dure guère, et la séve poétique s'use par la floraison poétique, en sorte que l'épanouissement conduit au déclin. Dès les premières années du dix-septième siècle, l'affaissement des mœurs et des génies devient sensible. L'enthousiasme et le respect baissent. Les mignons, les fats de cour intriguent et grappiilent, parmi les pédanteries, les puérilités et les parades. La cour vole et la nation murmure. Les Communes commencent à se roidir, et le roi, qui les tance en maître d'école, plie devant elles en petit garçon. Ce triste roi se laisse rudoyer par ses favoris, leur écrit en style de commère, se dit un Salomon, étale une vanité d'écrivain, et, donnant audience à un courtisan, lui recomniande sa réputation de savant, à charge de revanche. La dignité du gouvernement s'affaiblit et la loyauté du peuple s'attiédit. La royauté déchoit et la révolution se prépare. En même temps le noble paganisme chevaleresque dégénère en sensualité vile et crue'. « Le roi, dit un contemporain, vient

1. Harrington's Nugæ antiquæ.

de s'enivrer si bien avec le roi Christian de Danemark, qu'il a fallu les porter sur un lit tous les deux.... » Les dames quittent leur sobriété, et dans les festius on les voit qui roulent çà et là prises de vin. « Dernièrement, dit un malin courtisan, dans un masque, la chose a fait scandale. La dame qui jouait le rôle de la reine de Saba arrivait pour présenter des dons précieux à Leurs Majestés; mais ayant oublié les marches qui menaient au dais, elle renversa ses cassettes dans le giron de Sa Majesté danoise, et lui tomba sur les pieds ou plutôt sur la face. Grandes furent la hâte et la confusion, Essuis et serviettes travaillèrent aussitôt à tout nettoyer. Alors Sa Majesté se leva et voulut danser avec la reine de Saba. Mais il se laissa choir, et s'humilia devant elle, et fut emporté dans une chambre intérieure et mis sur un lit de parade, lequel ne fut pas médiocrement gâté par les présents que la reine de Saba avait répandus sur ses vêtements, tels que vin, crème, gelée, boisson, gâteaux, épices et autres bonnes choses. La fête et la représentation continuèrent, et la plupart des acteurs s'en allèrent ou se laissèrent choir, tant le vin occupait leur étage supérieur.... Alors parurent, en riches habits, la Foi, l'Espérance et la Charité. L'Espérance essaya de parler; mais le vin rendait ses efforts si faibles qu'elle se retira, espérant que le roi excuserait sa brièveté.... La Foi quitta la cour dans un état chancelant.... Toutes deux étaient malades et allèrent vomir dans la salle d'en bas........ Pour la Victoire,

après un lamentable bégaiement, on l'emmeņa comme une pauvre captive, et on la déposa, pour qu'elle fît un somme, sur les marches extérieures de l'antichambre. Quant à la Paix, elle cassa sa branche d'olivier sur le crâne de ceux qui voulaient l'empêcher d'entrer. » Notez que ces ivrognesses étaient de grandes dames. « On ne faisait point ainsi, ajoute l'auteur, sous la reine Élisabeth; » elle était violente et terrible, mais non ignoble et ridicule. C'est que les grandes idées qui mènent un siècle finissent, en s'épuisant, par ne garder d'ellesmêmes que leurs vices; le superbe sentiment de la vie naturelle devient le vulgaire appel aux sens. Il y a telle entrée, tel arc de triomphe, sous Jacques, qui représente des priapées, et quand les instincts sensuels, exaspérés par la tyrannie puritaine, parviendront plus tard à relever la tête, on verra sous la restauration l'orgie s'étaler dans sa crapule et triompher de son impudeur.

En attendant, la littérature s'altère; le puissant souffle qui l'avait portée, et qui à travers les singularités, les raffinements, les exagérations, l'avait faite grande, se ralentit et diminue. Avec Carew, Suckling, Herrick, le joli remplace le beau. Ce qui les frappe, ce ne sont plus les traits généraux des choses; ce qu'ils tâchent d'exprimer, ce n'est plus la nature intime des choses. Ils n'ont plus cette large conception, cette pénétration involontaire, par laquelle l'homme s'assimilait les objets et devenait capable de les créer une seconde fois. Ils n'ont plus

ce trop-plein d'émotions, cette surabondance d'idées et d'images qui forçait l'homme à s'épancher par des paroles, à jouer extérieurement, à mimer librement et hardiment le drame intérieur qui faisait tressaillir tout son corps et tout son cœur. Ce sont plutôt des beaux esprits de cour, des cavaliers à la mode, qui veulent faire preuve d'imagination et de style. Entre leurs mains l'amour devient une galanterie; ils écrivent des chansons, des pièces fugitives, des compliments aux dames. Plus d'élans. du cœur; ils tournent des phrases éloquentes pour être applaudis et des exagérations flatteuses pour plaire. Les divines figures, les regards sérieux ou profonds, les expressions virginales ou passionnées qui éclataient à chaque pas dans les premiers poëtes ont disparu; on ne voit plus ici que des minois agréables peints par des vers agréables. La polissonnerie n'est pas loin; on la trouve déjà dans Suckling, et aussi la crudité, l'épicurisme prosaïque; ils diront bientôt : « Amusons-nous et moquonsnous du reste. » Les seuls objets qu'ils sachent encore peindre, ce sont les petites choses gracieuses, un baiser, une fête de mai, un narcisse, une primevère humide de rosée, une matinée de mariage, une abeille1. Herrick surtout et Suckling rencontrent

1.

Some asked me where the rubies grew,

And nothing did I say,

But with my finger pointed to

The lips of Julia.

Some asked how pearls did grow, and where;

Then spake I to my girl,

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