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III

Sous cette barbarie native, il y avait des penchants nobles, inconnus au monde romain, et qui de ses débris devraient tirer un meilleur monde, Au premier rang, << un certain sérieux qui les écarte des sentiments frivoles et les mène sur la voie des sentiments élevés. » Dès l'origine, en Germanie, on les trouve tels, sévères de mœurs, avec des inclinations graves et une dignité virile. Ils vivent solitairement, chacun près de la source ou du bois qui lui a plu 2. Même dans leurs villages, leurs chaumières ne se touchent pas; ils ont besoin d'indépendance et d'air libre. Nul goût pour la volupté chez eux l'amour est tardif, l'éducation dure, la nourriture simple; pour tous divertissements, ils chassent l'uroch et sautent parmi les épées nues. L'ivresse violente et les paris dangereux, c'est de ce côté qu'ils donnent prise; ils sont enclins à rechercher non les plaisirs doux, mais l'excitation forte. En toutes choses, dans les intincts rudes et dans les instincts mâles, ils sont des hommes. Chacun chez soi, sur sa terre et dans sa hutte, est maître de soi, debout et entier, sans que rien le courbe ou l'entame. Quand

1. Ein sinniger Ernst, der sie dem Eitlen entfuhrt, und auf die Spur des Erhabenen leitet. » Grimm, Mythologie, 53. Vorrede. 2. Tacite, XX, XXIII, XI, XII, XIII et passim. On peut voir encore les traces de ce goût dans les constructions anglaises.

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la communauté prend quelque chose de lui, c'est qu'il l'accorde. Il vote armé dans toutes les grandes résolutions communes, juge dans l'assemblée, fait des alliances et des guerres privées, émigre, agit et ose'. L'Anglais moderne est déjà tout entier dans ce Saxon. S'il se plie, c'est qu'il veut bien se plier; il n'est pas moins capable d'abnégation que d'indépendance le sacrifice est fréquent ici, l'homme y fait bon marché de son sang et de sa vie. Chez Homère, le guerrier faiblit souvent, et on ne le blâme point de fuir. Dans les Sagas, dans l'Edda, il est tenu d'être trop brave; en Germanie, le lâche est noyé dans la boue, sous une claie. A travers les emportements de la brutalité primitive, on voit percer obscurément la grande idée du devoir, qui est celle de la contrainte exercée par soi sur soi en vue de quelque but noble. Chez eux le mariage est pur et la pudicité volontaire. Chez les Saxons, l'homme adultère est puni de mort, la femme obligée de se pendre, ou percée à coups de couteau par ses compagnes. Les femmes des Cimbres, ne pouvant obtenir de Marius la sauvegarde de leur chasteté, se sont tuées par multitudes de leur propre main. Ils croient qu'il y a dans les femmes « quelque chose de saint, » n'en épousent qu'une, et lui gardent leur foi. Depuis quinze siècles, l'idée du mariage n'a pas changé dans cette race. L'épouse, en entrant sous le toit de

1. Tacite, XII.

2. « Une fois mariées, ce sont exactement des couveuses occu

son mari, sait qu'elle se donne tout entière, qu'elle n'aura avec lui qu'un corps, qu'une vie; qu'elle n'aura nulle pensée, nul désir au delà ; qu'elle sera la compagne de ses périls et de ses travaux; qu'elle souffrira et osera autant que lui dans la paix et dans la guerre. » Comme elle, il sait se donner : quand il a choisi son chef, il s'oublie en lui, il lui attribue sa gloire, il se fait tuer pour lui; « celui-là est infâme pour toute sa vie, qui revient sans son chef du champ de bataille. » C'est sur cette subordination volontaire que s'assiéra la société féodale. L'homme, dans cette race, peut accepter un supérieur, être capable de dévouement et de respect. Replié sur lui-même par la tristesse et la rudesse de son climat, il a découvert la beauté morale pendant que les autres découvraient la beauté sensible. Cette espèce de brute nue qui gît tout le long du jour auprès de son feu, inerte et sale, occupée à manger et à dormir3, dont les organes rouillés ne peuvent suivre les linéaments nets et fins des heureuses formes poétiques, entrevoit le sublime dans ses rêves troubles. Il ne le figure pas, il le sent; sa religion est déjà intérieure, comme elle le sera lorsqu'au seizième siècle il rejettera le culte sensible importé de

pées à faire des enfants, et en adoration perpétuelle devant le faiseur. Stendhal, de l'Amour en Allemagne.

1. Tacite, XIX, VIII, XVI. Kemble, 1, 232.

2. Tacite, XIV, Kemble, I, 32.

3. In omni domo, nudi et sordidi.... Plus per otium transigunt, dediti somno, ciboque; totos dies juxta focum atque ignem agunt. >

Rome, et consacrera la foi du cœur. Ses dieux ne

sont point enfermés dans des murailles; il n'a point d'idoles. Ce qu'il désigne par des noms divins, c'est ce je ne sais quoi d'invisible et de grandiose qui circule à travers la nature et qu'on devine au delà d'elle; mystérieux infini que les sens n'atteignent pas, mais que « la vénération révèle; » et quand plus tard les légendes précisent et altèrent cette vague divination des puissances naturelles, une idée reste debout dans ce chaos de rêves gigantesques : c'est que ce monde est une guerre et que l'héroïsme

est le souverain bien.

Au commencement, disent ces vieilles légendes écrites en Islande3, il y avait deux mondes: Nilflheim le glacé et Muspill le brûlant. Des gouttes de la neige fondante naquit un géant, Ymer. « Ce fut le commencement des siècles, quand Ymer s'établit. Il n'y avait ni sables, ni mers, ni ondes fraîches. On ne trouvait ni terres, ni ciel élevé. — Il y avait le gouffre béant, - mais de l'herbe nulle part. » — Il n'y avait qu'Ymer, l'horrible Océan glacé, avec

1. Grimm, 53, Vorrede, Tacite, X.

2. « Deorum nominibus appellant secretum illud, quod sola reverentia vident, » Plus tard, à Upsal par exemple, il y eut des statues. (Adam de Brême.)

Wuotan (Odin) signifie, par sa racine, le Tout-Puissant, celui qui pénètre et circule à travers tout. (Grimm, Mythologie.)

3. Voyez passim. Edda Somundi, Edda Snorri. Ed. Copenhague, 3 vol.

M. Bergmann en a traduit plusieurs poëmes; j'emprunte parfois sa traduction. Visions de la Vala. Discours de Vafthrudnis, etc.

ses enfants, nés de ses pieds et de son aisselle, puis leur informe lignée, les Terreurs de l'abîme, les Montagnes stériles, les Ouragans du Nord, et le reste des êtres malfaisants, ennemis du soleil et de la vie. Alors la vache Andhumbla, née aussi de la neige fondante, mit à nu, en léchant le givre des rochers, un homme, Bur, dont les petits-fils tuèrent Ymer. « De sa chair ils firent la terre, de son sang le sol et les fleuves, de ses os les montagnes, de sa tête le ciel, et de son cerveau enfin les nuées. » Ainsi commença la guerre entre les monstres de l'hiver et les dieux lumineux, fécondants, Odin, le fondateur, Balder, le doux et le bienfaisant, Thor, le tonnerre d'été qui épure l'air et par les pluies nourrit la terre. Longtemps les dieux combattront contre « les lotes glacés, » contre les noires puissances bestiales, contre le loup Fenris, qu'ils tiendront enchaîné, contre le grand Serpent, qu'ils plongeront dans la mer, contre le perfide Loki, qu'ils lieront sur des rochers sous une vipère dont le venin distillera incessamment sur son visage. Longtemps les braves qui par une mort sanglante ont mérité d'être mis « dans les en-, clos d'Odin et s'y livrent un combat chaque jour, aideront les dieux dans leur grande guerre. Un jour pourtant viendra où, dieux et hommes, ils seront vaincus : «< Alors tremble le grand frêne d'Yggdrasil. Il frissonne, le vieil arbre. - Le lote Loki brise ses liens. Les ombres frémissent sur les routes de jusqu'à ce que le feu de Surtrait

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l'Enfer,
dévoré l'arbre.

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Le nocher Hrymr s'avance de l'O

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